Combien de fois je me suis sentie rabaissée, dénigrée voire humiliée par mes clients et collaborateurs parce que j’étais une femme ? Depuis l’affaire Weinstein et le mouvement #metoo, je prends conscience que tout ce que j’ai accepté depuis des années n’était pas normal. Il serait peut-être temps d’en parler !
L’expérience d’une relation toxique dans le travail
Un jour, un collaborateur avec qui je travaillais chaque jour dans le même local (et avec qui je m’entendais très bien, au début) m’a dit, à la suite de notre première querelle : » Si y’a des tensions entre nous c’est qu’on s’aime beaucoup et qu’on baise pas. « . Il avait 50 ans, je n’avais aucune intention de quoi que ce soit avec lui. Et surtout, il était marié ! J’étais l’apprentie et lui le boss.
Comment faire pour gérer ces situations au boulot où des rapports de pouvoir s’immiscent dans le travail ? Je lui ai gentiment expliqué qu’il n’allait rien se passer, ça a fini par complexifier notre relation. Par la suite il a été imbuvable, oppressant, contrôlant, il me faisait des réflexions quotidiennes sur mes tenues. Il m’humiliait en public, quand je recevais un client dans les bureaux. Il a fini par être violent verbalement et me menacer de l’être physiquement, quand on n’était pas d’accord sur un sujet.
Bref, j’ai vécu une situation de harcèlement au travail. Pendant de longs mois, et j’ai mis du temps à me rendre compte que ce n’était pas normal. J’ai fini par quitter le projet. J’y ai laissé quelques plumes et j’ai mis du temps à m’en remettre.
Quand le harcèlement au travail devient banal
Ben oui, c’est la triste réalité ! Quand on est une jeune femme entrepreneure, ça peut être difficile de se faire respecter dans ce qu’on fait. Pour ce qu’on fait. Surtout face à des hommes, quand on est plus jeune, quand on est en formation et qu’on demande à apprendre des autres… ou qu’on n’a pas de structure à laquelle se raccrocher, de collègue compréhensif à vos côtés. Alors quand on manque de confiance en soi (ce qui était mon cas) je pensais que je devais accepter cette situation et faire avec.
Quand tu débutes, on peut te fait croire que ça marche comme ça. On banalise les comportements masculins toxiques. En tant que femme, on intègre que ça ne peut pas changer. Le sexisme est devenu banal. Pour la plupart d’entre nous, on a aussi été élevées comme ça. Les femmes doivent subir et se taire, on ne nous a pas toujours appris qu’on avait le droit de prendre notre place.
Pourquoi j’ai eu du mal à dire stop
Dans l’audiovisuel, sur des chantiers, dans des ateliers, auprès de mes clients, dans les séminaires d’entreprise… j’ai évolué dans des milieux parfois très masculins. Les premières années mes clients étaient principalement des hommes d’âges mûrs. Ca a été tellement compliqué pour moi de me sentir à l’aise avec eux ! Pourtant, j’ai de nombreux amis homme et ils sont formidables ! Je n’avais pas conscience que tous les hommes n’étaient pas comme eux : sympa et doux. Dans un milieu d’homme comme la photographie, l’entrepreneuriat et l’audiovisuel, s’affirmer en tant qu’entrepreneur.e demande d’autant plus de courage quand on est une femme ! Je n’étais pas armée pour affronter tout ça.
Plus jeune, comme beaucoup de femmes “je faisais des caprices” quand je demandais qu’on me respecte. Quand je haussais le ton suite à de remarques déplacées, quand mes “non” n’étaient pas respectés. Donc forcément, par la suite, je me suis d’abord remise en question et je pensais que ça venait de moi. Peut-être je faisais les mauvais choix ? Je ne me rendais pas compte, tant j’avais intégré que de subir était normal !
La peur de casser l’ambiance en tant que photographe
Etre photographe, c’est aussi devoir mettre tout le monde à l’aise pour avoir des sourires sur les photos. Alors quand il y a du monde autour, pour ne pas bousiller l’ambiance en m’énervant, je laissais couler les réflexions déplacées…
De plus, m’énerver me prend l’énergie que je dois mettre dans le travail. Et j’avais peur de perdre le boulot. Etait-ce une bonne stratégie d’envoyer bouler mes clients ?
Arrêter de croire que c’est normal et commencer à oser dire non
La réalité c’est que tant que je croyais que c’était normal, je l’acceptais et rien ne changeait. Je m’étais blindée : être une femme c’est dur, je vais devoir me battre pour me faire respecter, prendre des coups pour m’endurcir.
Mais se sentir rabaissée et humiliée n’est pas normal, et il ne faut pas accepter ces situations ni s’habituer à la violence ! Sourire et encaisser, c’est en parti consentir. Reprenons le pouvoir de notre consentement et apprenons à nous affirmer ! Le cerveau est un muscle, si on ne lui a jamais appris à dire non, il faut lui apprendre. Il faut déjà prendre du recul sur la situation, prendre le temps de se demander si ce qu’il se passe est normal. La fois suivante, prendre la parole. Commençons par de petites actions, et petit à petit, cela deviendra plus facile !
Comprendre qu’on a le droit de poser des limites et des conditions
Plus j’avance et plus je comprends que j’ai le droit de marquer mes limites dans le travail, de poser le cadre qui me convient avec mes collègues, et de ne pas me laisser marcher sur les pieds. J’ai compris que ne rien dire, c’est accepter.
C’est délicat d’arriver à parler, mais faut essayer ! Parler à un collègue, à un supérieur, à des amis, ne pas rester seul dans ce problème. On peut se faire coacher ponctuellement pour ce type de problématique. Mais ça me paraît important de se rappeler qu’on a le droit de ne pas être d’accord, et de l’exprimer. Le top du top c’est d’ouvrir le dialogue et trouver le ton juste pour recadrer calmement, sans colère, tout en étant entendu. Faut dire qu’il n’y a pas que des situations bloquées, mais parfois les hommes peuvent être maladroits par manque d’éducation sur le sujet, ils ne sont pas forcément malveillant et ne savent simplement pas comment faire. Dans ce cas, essayons donc simplement, posément, d’ouvrir le dialogue.
Oser prendre la parole
Quel soulagement pour moi de lire les femmes qui, de plus en plus nombreuses, prennent la parole ! Ca fait du bien de sentir que les normes sont en train d’évoluer, et de prendre conscience que rien de tout ça n’est normal. Ça me donne l’impulsion et le courage, à mon tour, d’écrire un bout de mes expériences. Je prends conscience que je suis loin d’être la seule…
Aujourd’hui je sais mieux que je ne suis pas d’accord. J’ai compris que s’affirmer et marquer ses limites ne veut pas dire que la relation va s’arrêter. Et d’ailleurs, ça clarifie tous les rapports !
Les 4 clés essentielles de la CNV :
Bientôt j’écrirai un article sur la communication non violente (ou CNV), un outil qui m’a aidé à prendre la parole. Il permet d’avoir des clés pour oser exprimer ce qu’on ressens sans faire des projections sur ses intentions des autres et sans blesser. C’est utile pour gérer les conflits sans s’engueuler systématiquement, apprendre à poser des conditions et faire des demandes claires à nos collaborateurs ! Bref, communiquer en toute bienveillance, honnêteté, écoute et simplicité. Encore un sujet important pour moi dans le travail.
Observation objective / Exprimer son sentiment / Exprimer ses besoins / Faire une demande
Exemple :
Tu m’appelles “ ma petite “ au bureau. Je ne me sens pas respectée et me sens rabaissée quand on m’appelle comme ça, ce n’est pas OK pour moi que l’on m’appelle comme ça. J’ai besoin de pouvoir me sentir en sécurité sur mon lieu de travail, écoutée dans mes limites et que l’on respecte mon consentement. Je te demande donc de ne plus m’appeler comme ça et d’être attentif à mon consentement.
Apprendre à poser ses limites pour évoluer
Au fur et à mesure de mes expériences, et à force de me tromper, j’ai appris à poser mes limites et à exprimer ce qui était bon ou pas pour moi. Donc, à reconnaître les situations que je ne voulais plus accepter et les fuir. En clarifiant mes besoins et en m’alignant davantage sur mes valeurs dans le travail, naturellement, les clients qui viennent à moi partagent de plus en plus mes valeurs. Bientôt un article sur la question. Avec mes collègues aussi, je sais mieux choisir les personnes avec qui j’ai envie de travailler. Et mes clients sont plus souvent des femmes ! C’est fou, quand on change un truc en soi, comme l’environnement s’aligne autour ! Le changement passe aussi par nous, les femmes. Osons nous affirmer et n’acceptons plus d’être humiliée.
Le respect n’est plus négociable : on gueule, on se lève, on se casse.
Le violentomètre : un outil pour vérifier que je suis dans une relation saine – on peut l’appliquer au travail !
Quelques chiffres sur le harcèlement sexuel au travail ici
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