En 2013, fraîchement diplômée d’une école de photo belge, je décide alors de m’installer à Lyon pour me lancer comme photographe. Pas si simple quand on sort d’une école d’art ! Retour sur mes premières années d’activité, entre joies et galères.
La petite photographe arrive à Lyon
Lyon me paraissait être un très bon point de départ pour débuter mon activité. Avec pleins de secteurs d’entreprise différents, des propositions culturelles variées comme la danse, le théâtre, la musique. Un attrait pour l’image avec plusieurs événements autour de la photo, de la BD, de la danse, de la musique. Et surtout une culture de l’entrepreneuriat très présente. Tout ça me paraissait constituer un terrain de jeu assez vaste pour trouver des portes auxquelles sonner…
J’ai 22 ans donc, et je débarque. Pleine d’ambition et d’envie. Qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire, et par quoi commencer ? Je n’avais qu’une chose en tête : vivre de la photo, devenir indépendante et libre. Montrer à tous que c’était possible. J’ai retroussé mes manches et j’y suis allée, à fond.
Photographe, pas tout à fait débutante : heureusement !
Pendant mes études, j’avais fait le choix de commencer à travailler comme photographe. J’avais déjà accumulé plusieurs expériences, des petites missions mal payées, réalisé quelques mariages, des petits reportages d’entreprise, de soirée, d’événements… J’avais été pendant 9 mois photographe dans les maternités Wallonnes, où je proposais des photos au famille dans les premiers jours de la naissance. Je rentrais dans les chambres, et “ Salut ! Vous voulez des photos ? “. Ça m’avait beaucoup appris. A cerner le client rapidement, à faire passer des propositions, à diriger les modèles etc…
J’avais aussi fait des photos plusieurs années de suite pour les Six Hours de Spa Francorchamp, une course automobile avec des vieilles voitures… Mais moi, je photographiais les touristes devant un faux podium, et sous la pluie (merci le plat pays !). Je devais rameuter les gens, en anglais, en Néérlandais (j’avais appris 2 phrases, pour l’occasion !), en Allemand (3 mots appris), en Italien (bon, ça je savais faire !)… Faire rire des gens sous la pluie dans des langues improbables, et attendre toute la journée dans le froid, aussi une expérience assez formatrice ! J’avais également réalisé des photos à Bruxelles pour la Zinneke Parade, ou encore fait des images pour une commande d’exposition pour le conseil général d’Ardèche, auprès d’artistes du département, pour les portes ouvertes de leurs ateliers.
Tout apprendre depuis le début !
Mais là, j’arrivais dans une ville où je ne connaissais personne et il fallait que je sois visible : faire un site web, m’inscrire comme Auto-Entrepreneur, démarcher à droite à gauche pour me faire connaître. Et surtout, je devais faire des sous ! Je n’avais jamais travaillé en France, donc j’avais pas de droit de chômage. J’ai donc décidé de m’y mettre à fond ! J’ai eu la chance d’être sélectionné pour suivre le programme Start Us Up de l’ambassade des Etats Unis, où pendant 15 jours on m’a appris des clés pour entreprendre, auprès d’entrepreneurs.
Au début, je n’avais pas de connexion internet chez moi, et je construisais mon site web dans le bar du coin, mon premier bureau ! J’enchaînais les tutos pendant des jours entiers pour comprendre comment faire ça. Heureusement que mon ami photographe Samuel Szepetiuk m’a aidé sur cette partie – et sur tout le reste aussi ! Parce que niveau informatique, je ne pouvais finalement compter que sur les tutos youtube et ma jugeote.
Au vu de mes compétences et de l’époque, mon site n’était pas si moche ! Alors que mes cartes de visite, mon Dieu, c’était sale… Ah les débuts ! On fait avec ce qu’on a, comme on peut. Aujourd’hui, Dieu merci, j’ai des gens qui m’aide sur cette partie (Merci Anthony et Romane !).
Mes premiers pas de photographe au théâtre
Avant d’aller suivre des cours à l’école (Ecole Supérieure des Arts de Saint-Luc, à Liège) où j’ai appris à faire pleins de types d’images différentes, mes premiers amours photographiques étaient dans la culture. Au théâtre, dans les concerts, les festivals, et dans la rue… c’est un peu grâce à tout ça que j’ai appris. J’aimais être dans l’ombre, j’apprenais au contact des artistes. Je me rappelle mes premières photos, à 16 ans, pour la Compagnie Zinzoline de Saint-Péray, la petite ville ardéchoise dont je suis originaire. Puis les premiers festivals bénévoles dans la région, de bons souvenirs ! Je me suis donc naturellement dit que je pouvais travailler dans la culture, en arrivant à Lyon. Avec tout le théâtre qu’il y a ici, je trouverais bien un projet qui ait besoin de moi !
J’allais voir mon ami au café théâtre le Bouiboui, le plus vieux du Vieux Lyon, je traînais là bas en essayant de parler aux comédiens. La journée je me formais, le soir je démarchais à tout va, partout, je distribuais ma carte de visite, dans les apéros entrepreneurs, dans les bars. Je sortais seule, souvent, et c’est comme ça que j’ai commencé à construire mon réseau, petit à petit.
Des photos de scène aux photos studio
J’ai vite compris qu’il n’y avait aucun budget alloué à la communication dans ce milieu, et que si je voulais bosser dans le théâtre ça allait être vraiment compliqué… Moi qui espérais un CDI ! Malgré tout au bout de quelques mois, je commençais à bosser pour certains artistes. Je faisais donc des photos de scène, pour des spectacles, régulièrement pour un plateau d’humoristes à la comédie Odéon. C’était une période super sympa, je rencontrais des artistes, j’apprenais beaucoup ! Je faisais des photos pour les géniaux Alex Ramires, Geremy Credeville, Alexandra Bialy, Guillaume Gamand, j’ai photographié les jumeaux Steeven et Christopher, Julie Galimbert, Sanaka… et bossé pour quelques auteurs lyonnais.
Ça payait rien mais je me faisais la main, je me constituais un portfolio, j’observais, j’apprenais. J’aimais traîner dans les loges avec les comédiens, je m’y sentais bien. J’étais là avant le spectacle, au restaurant avec toute l’équipe après le spectacle, et on faisait la fête ! C’était marrant cette effervescence du début, je voyais des super spectacles, je faisais de belles rencontres.
Petit à petit j’ai commencé à travailler pour quelques compagnies de théâtre d’improvisation, et les comédiens ont commencé à me demander des books en studio. C’est comme ça que je me suis mise au studio. Puis, les photos studio portraits de comédiens ont attiré les entreprises, et j’ai commencé à faire des portraits studio pour des indépendants, puis des reportages pour les entreprises. Au bout d’un an et demi, ça devenait sérieux, il a fallu apprendre à me fondre dans un tout autre milieu…
En formation continue avec moi-même
Quand je ne démarchais pas ou ne faisais pas de photo, je lisais beaucoup. Je pouvais ainsi donc passer des heures affolantes sur internet à me former, dans mon canapé pour bouquiner. Je surlignais tout ce qui me paraissait important, j’en faisais des synthèses, des listes, des leimotiv : je devais tout apprendre depuis le début. Ben oui, ça veut dire quoi, gérer une activité ? C’est quoi la trésorerie, un BFR (Besoin en Fonds de Roulement) ? Comment on gère un investissement ? Apprendre à m’organiser, à gérer mon temps, m’inscrire en tant qu’Auto Entrepreneur (ah, la joie de découvrir l’URSSAF !), comprendre quels outils j’avais besoin d’acquérir pour m’en sortir, gérer le logiciel Lightroom, la comptabilité, comprendre les bases de la gestion, le relationnel client, le vocabulaire des grandes entreprises…
Ben oui, au début, on me dit “tu parleras avec la chargée marketing asap”. Hein, quoi ? kesako ? Je n’avais jamais entendu parlé ou très peu de graphisme, de marketing, de chargée de communication, donc j’ai dû apprendre à cerner tous les métiers autour de celui de photographe… pour m’y adapter et pouvoir parler leur langue. Pfiouuuu ! Tout ça ? Au début je disais “oui oui” en notant ce que je comprenais pas, pour faire des recherches à la sortie de mon rendez-vous. Pour le ressortir la fois suivante, toute fière. et pourtant la fois suivante il y avait encore un nouvel acronyme, voire des paquets de mots incompréhensibles dans un jargon technique d’entreprise, que je ne comprenais pas ! Ça faisait beaucoup de choses à digérer, tout le temps !
Apprendre à s’adapter à chaque nouveau projet
A chaque rencontre, à chaque projet j’avais l’impression de ne plus rien savoir, de repartir de zéro. Les problématiques étaient nouvelles, le vocabulaire aussi, le profil du client complètement différent etc. D’autant qu’à l’école je n’avais pas appris à diriger des modèles, on ne m’avait jamais parlé d’émotionnel, de gestion du client, et il y avait pas mal de choses techniques que je n’avais pas expérimenté. Je ne savais pas faire des propositions commerciales, fixer des prix, négocier (et ne pas céder !), gérer des rdv clients, le flux des mails, faire du démarchage etc…
Je n’avais aucune idée que j’allais passer par tout ça et je me sentais complètement démunie, parfois. Sans parler des réseaux sociaux et de la technologie en générale, ce qui n’est pas mon truc à la base. Mais alors, pas du tout ! La première année a été extrêmement chargée, j’avais l’impression d’être dans un rouleau compresseur, et d’avoir une énorme montagne devant moi. Tout était nouveau, tout le temps
Se former à chaque difficulté
Les expériences se sont enchaînées, et ça a été dense ! Les difficultés ont été nombreuses mais j’ai aussi rencontré pleins de gens formidables qui m’ont aidé à les surmonter. J’ai la chance de pouvoir continuer à faire de la photo, 6 années plus tard.
Je suis passé par un beau petit burn out (j’en parlerai dans un prochain article), de grosses remises en question, des expériences de groupe, certaines merveilleuses et d’autres peu heureuse. Des projets un peu fous, d’autres complètement ennuyeux… Dans tout ça je me fraye un chemin, je me découvre au fil des projets. Les premières années, c’était surtout de l’apprentissage intensif, et j’ajustais constamment ma pratique, mes offres, ma technique, mon comportement, pour mettre toutes les chances de mon côté. C’était intense !
Pourtant, après tout ça, je suis toujours là ! Et j’ai enfin trouvé un équilibre entre ma pratique, mes relations dans le travail, mon organisation. Je suis entourée de super collègues que j’ai choisi avec coeur, je travaille dans un espace de coworking qui me plait et dans lequel je me sens, et surtout, je n’ai plus le syndrôme de l’imposteur ! Alors j’ose vous raconter ma vie et si tu as lu jusque là, merci !
Petite vidéo en lien avec le sujet : une intervention du coach David Laroche qui parle de ses débuts… Très inspirant !
https://www.youtube.com/watch?v=yE3SCVp5tOs
Leave a reply
Magnifique. Bravo Margot. C’ est difficile. Mais continue.
Merci Anne ! Tu es un peu le point de départ de mon travail… Merci de m’avoir propulsé et fait confiance à mes débuts ! Et merci de continuer à m’encourager 🙂 Je t’embrasse
Merci Margot pour cette histoire, ce vécu, ce partage intime dans lequel nombre de photographes peuvent se retrouver…
Inspirant et rassurant, 6 ans en photo pro c’est un beau parcours et je suis certain qu’il se poursuivra.
L’action est la voie !
Merci Alain pour votre commentaire ! Ravie que mes expériences résonnent chez d’autres, ça me touche !